Publié le 16/12/2010 11:21 | Philippe Emery
Cugnaux. Aéroport Francazal : la surprise et la colère
L’état a choisi d’attribuer pour un an la gestion de l’ex aéroport militaire à la multinationale canadienne SNC-Lavalin, leaders mondial de l’ingénierie, plutôt qu’à la société de l’aéroport de Blagnac. Surprise des élus locaux, inquiétude et colère des riverains.
« Je reviendrai à Montréal/Dans un grand Bœing (Airbus ?) bleu de mer ». Francazal, à l’image de ces paroles de la belle chanson du Québécois Charlebois, va-t-elle prendre l’accent de la Belle province ?
L’état a choisi, mardi soir, d’attribuer la gestion d’exploitation de l’ex aéroport militaire de Francazal, pour un an renouvelable un an, à la SNC-Lavalin. Cette multinationale canadienne (lire ci-contre) est déjà l’opérateur de huit plates-formes en France, dont l’aéroport de Tarbes-Lourdes et une majorité consacrée à l’aviation d’affaires. Le groupe a été préféré par le directeur général de l’aviation civile et la commission nationale d’appel d’offres, depuis Paris, à la Société de l’Aéroport de Toulouse-Blagnac (SATB).
Aviation d’affaires
« L’absence de demande de subvention, le contenu des prestations du service offertes aux utilisateurs aéronautiques, et les choix opérés pour amorcer favorablement le processus de transformation de cette plate-forme militaire en un aérodrome d’aviation d’affaires et de soutien industriel » sont mis en avant par le préfet pour justifier ce choix, « conforme au projet de reconversion et dans le respect du cadre et des conditions fixés par l’État ». Lavalin aurait notamment proposé d’aménager les bâtiments de l’état-major en accueil et salons pour les hommes d’affaires, selon le préfet.
Un choix « très éloigné du projet de reconversion autour de l’aéronautique pourtant envisagé en totale concertation avec l’État », selon Pierre Cohen, qui fait part de sa « surprise » et de son « incompréhension » et regrette « cette solution et le projet commercial qui pourrait s’y rattacher. Nous resterons vigilants sur le respect des engagements de l’État et l’exploitation future du site. Je demanderai dans les meilleurs délais au ministre des explications sur cette décision », commente le président du Grand Toulouse.
Un « choix illogique » selon Philippe Guérin, maire de Cugnaux, « tant SATB apparaît mieux placé par sa connaissance et son expérience aéronautique de l’agglomération toulousaine ». L’élu sera très « attentif au respect et à la protection des populations locales ».
Effet domino sur Blagnac ?
Bernard Keller, maire de Blagnac, évoque une « mauvaise nouvelle » dont le « côté positif est de montrer l’intérêt d’un exploitant privé et étranger pour la métropole aéronautique européenne » mais le représentant du Grand Toulouse à SATB s’inquiète des menaces de privatisation qui pèseraient selon lui, comme selon de nombreux observateurs, sur l’avenir de l’aéroport de Toulouse-Blagnac lui-même. L’état a annoncé son désir de se séparer de sa participation (60 %) dans SATB. L’intérêt du géant canadien pour la vieille piste de Francazal, peu rentable, s’expliquerait alors par la volonté de se positionner sur Blagnac.
Une « privatisation » et « internationalisation » de l’aéroport régional qui inquiète beaucoup les élus locaux : « Même aux États-Unis, si libéraux, les aéroports et les ports, stratégiques, restent publics », souligne Bernard Keller, qui évoque une certaine « malignité » de l’état, suspecté de préserver la valeur de SATB, en lui évitant la charge de Francazal, pour vendre au mieux sa participation.
Les inquiétudes des riverains
Le collectif anti-aéroport ne se montre « pas si surpris que les élus, qui sont en retrait, mais ont accepté le processus. Lavalin a un appétit énorme, il s’est positionné sur les aéroports de Mérignac, Blagnac, Lyon et Marseille, dont le capital va être ouvert, l’état souhaitant vendre ses parts. En reprenant Francazal, le groupe vise l’attribution de Blagnac pour constituer un bipôle où il pourra faire ce qu’il veut », assure Bernard Gineste, le président du collectif, qui faire part de la « colère » et de « l’inquiétude » des riverains : « On est en train de construire à l’intérieur de l’agglomération le deuxième aéroport qu’on n’a pas pu construire à l’extérieur ».
« Pas du tout », proteste le préfet Dominique Bur, « Francazal reste et restera la propriété de l’état, qui donne une simple autorisation d’occupation temporaire pour un an, renouvelable deux fois six mois, à Lavalin. Il s’agit simplement d’alléger Blagnac de ses activités d’aviation d’affaires. Francazal reste un aéroport complémentaire civil axé sur les affaires et le développement industriel (qui crée de l’emploi), avec une activité militaire restreinte et des hélicoptères de la gendarmerie et de la météo ».
Un « Bouygues » canadien
La SNC-Lavalin est une multinationale dont le siège mondial se trouve à Montréal. Ce groupe né d’une société québécoise séculaire est leader mondial de l’ingénierie avec 4 milliards d’€ de CA et 21 000 salariés dans une centaine de pays, dont plus d’un millier d’ingénieurs québécois. Elle a construit aéroport et parc olympique de Montréal, autoroutes, barrages, aqueduc dans le désert lybien, s’occupe d’électricité, pharmacie, agroalimentaire, bois, nucléaire… et de huit aérodromes français.
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